mercredi 8 février 2012


Billet 14
Le blogue: Quand le privé rencontre son public

Révolution virtuelle, démocratisation de l’information, passe-temps ou vulgaire reflet d’un exhibitionnisme socialement accepté, le blogue s’est mérité bien des qualificatifs, selon les divers analystes qui ont abordé le sujet. En véritable expansion, il est normal que le phénomène attire l’attention; qu’est-ce qui pousse l’individu à devenir blogueur et quels sont les impacts des traces qu’il laisse dans l’espace public, l’espace web?tion et autorité illégitime L’internaute

Moyen de communication personnel à la portée de tout internaute, de par les sites gratuits permettant d’en créer sans avoir de connaissance particulière en informatique, le blogue est une manière simple d’accès de projeter ses pensées, produits, images, vidéos et réflexions sur la toile, pour qu’un autre individu en prenne connaissance et puisse laisser des commentaires quant à ces derniers. Démocratique, donc. Passionnant, à l’occasion. Mais l’invasion du web par des millions d’individus tenant à partager un aspect de leur vie privée peut aussi soulever des questionnements éthiques. Et le pouvoir rassembleur de certaines idées véhiculées par les blogueurs peut avoir des répercussions, faisant d’eux des porte-paroles, un titre pour lequel ils ne sont peut-être pas qualifiés. C’est pour ces raisons que nous considérons important de jeter un coup d’oeil aux diverses répercussions possibles du succès des blogues, qu’ils soient de l’ordre de la révolution ou de l’autorité illégitime. « Entre décembre 2004 et décembre 2006, le nombre de blogues dans le monde est passé de 5,4 à 63,1 millions selon Technorati. »

Avant la révolution numérique qu’est la venue de l’internet, la publication d’articles d’opinion offerts au public était assurée par des figures reconnues; chroniqueurs, penseurs, politiciens, etc. Si l’individu souhaitait prendre parole, en tant que simple citoyen, il pouvait, à la rigueur, avoir recours à l’espace réservé aux lettres ouvertes, en espérant que la sienne y soit publiée. Depuis l’arrivée des plateformes, telles que Blogger, Over-blogue, Canalblog et autres (voir graphique ci-dessous), tout internaute a la chance d’écrire son opinion et de la rendre publique.


La chose a ses bons côtés. D’abord, dans un contexte de convergence médiatique et d’empires faisant la promotion d’informations dans un intérêt pécuniaire, la présence de cellules indépendantes est rassurante. Car le blogue, bien plus que livres de recettes mis en ligne par tante Jeanne, a parfois une fonction informative. Nombreux sont les blogues liés à l’actualité littéraire, politique ou artistique sur la toile. Géré par des individus, leur grand nombre assure une certaine mise à niveau de l’information. Le lecteur qui se méfie d’une rigueur journalistique amoindrie pourra maintenant prendre le pouls de la population quant à un évènement et même valider la véracité d’une nouvelle en consultant des blogues qui s’y attardent. « À travers la communication de masse individuelle, les mouvements sociaux comme les individus en rébellion sont en mesure d’agir sur les grands médias, de contrôler les informations, de les démentir le cas échéant, ou même d’en produire. »

En démocratisant le droit de crier publiquement notre opinion et de commenter l’opinion, d’autres, en laissant un commentaire, donc une trace dans un espace public, bien qu’au propos souvent privé, le blogue a permis une plus grande diversité d’informations. Il ouvre une porte aux débats sociaux, entre autres grâce à l’émergence de blogues menés par des journalistes sur les sites mêmes de grands journaux, et entraîne une conversation entre internautes. Parfois, ces discussions influencent des décisions; lors des dernières élections américaines, plusieurs internautes ont pris d’assaut le web pour promouvoir la candidature de leur candidat favori à travers blogues et forums. De ce fait, le bruit que le blogue provoque peut-être sain et définitivement profitable à une société qui communique de plus en plus par les voix virtuelles. Cela dit, le phénomène du blogue soulève un problème éthique : est-ce que qui que ce soit peut écrire ce qu’il veut, au sujet de n’importe quel thème? L’anonymat est fréquent sur la blogosphère. Pourtant, les idées qui y sont véhiculées sont souvent loin d’être voilées. Pas toujours inoffensifs, les blogueurs prolifèrent parfois des propos haineux, diffamatoires, dérangeants. On ne laisserait pas un individu cagoulé prendre d’assaut une salle de presse pour forcer un éditeur à publier ce qui l’enchante dans la page d’un quotidien, or le blogueur ne se bute à aucune règle, à aucun tiers devant approuver ou non son propos, hormis son lectorat. Puis, n’étant voué à aucune visée financière, le blogueur a le luxe de se moquer de ses lecteurs.Le résultat peut être frustrant : publication de fausses données, de fausses informations, de propos haineux ou d’articles sans le moindre intérêt, le lecteur qui s’aventure dans la blogosphère peut s’attendre à tout. Car, malheureusement, l’expertise et la rigueur ne sont pas toujours au rendez-vous.

C’est pour cette raison que nous conseillons au lecteur d’être vigilant. Tout blogue n’est peut-être pas à propos, tout blogueur n’a peut-être pas l’expertise requise pour vous influencer correctement. Or, le conseil tient pour les médias traditionnels aussi. Cela dit, nous sommes convaincus que les blogues peuvent remplir plus d’une fonction et que pour cette raison, leur présence sur la toile est un avantage. Catharsis et voyeurisme sont au menu dans le cas de blogues relatant du quotidien d’individus. Information et apprentissage sont accessibles grâce aux blogues politiques, artistiques et culturels. Tant que le blogue est bien manié et évalué pour ce qu’il est, en tant qu’objet distinct, il pourra enrichir la sphère publique et profiter à des internautes en quête de produits littéraires numériques et personnalisés.

Sources:

Le journal du net, « Monde : l’usage des blogues », http://www.journaldunet.com/cc/03_internetmonde/intermonde_blog.shtml

Manuel Castells, « Émergence des médias de masse individuels», Le Monde diplomatique, http://www.monde-diplomatique.fr/2006/08/CASTELLS/13744

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire