Billet 7
L’information à l’ère
du blogue et d’Internet
La possibilité d’exprimer son opinion publiquement et de se
faire entendre par plus d’un, était, jusqu’à tout récemment, réservée à une
classe à part de métiers et formés pour livrer la nouvelle. De retour à la
réalité, à l’ère de l’instantané, les choses changent rapidement. L’utilisation
massive d’Internet et de ses diverses composantes (médias sociaux, blogues,
flux RSS), amène une facilité de publication incroyable et une capacité
d’interagir presque sans limites. De nos jours, tout le monde peut « twitter »
son opinion sur les actions du gouvernement, « facebooker » des critiques une commission
gouvernementale quelconque et « bloguer » un article scientifique sur les OGM.
Cette réalité met cependant la société face à un sérieux questionnement :
est-ce que « trop
d’informations tue l’information? » Pour examiner cette problématique, il
faut s’attarder à un des phénomènes en vogue sur le cyberespace : la
blogosphère. Pour bien l’analyser, il faut tout d’abord se questionner sur son
utilité et sur les personnes qui participent à ce mouvement, par la suite, il
faudra s’interroger sur la qualité des informations transmises par ces
journalistes du web et, finalement, de leur influence sur les médias
traditionnels.
Tous les citoyens ont leur place dans la blogosphère, même
si les adolescents accaparent présentement la grande majorité de cette
plateforme médiatique, certaines personnes ou certaines entreprises utilisent
le blogue pour commenter l’actualité, donner leur opinion, apporter un
complément d’information. Le tout se réalise facilement, d’où la popularité
croissante du phénomène, via la publication d’articles (courts ou longs)
classés d’une façon chronologique et publiés en un clic de souris sur Internet.
Ajoutez-y une ou deux photos et vous venez de créer votre propre blogue. La
blogosphère est donc une révolution en soi, donnant accès à la société une
source alternative d’opinions et d’informations aux médias traditionnels (télévision,
radio, journaux); une source qui ne suit pas une ligne éditoriale, publiant
sans censure, sans filtre d’un éditeur et sans pression pour une date de
tombée. Le gain principal étant de se faire lire, de faire entendre son point
de vue. Par exemple, Daily Kos, un des
blogues américains les plus célèbres du web, dénonce la guerre américaine au
Moyen-Orient de façon directe et sans tabou, chose qui aurait été difficile à
réaliser sans cet espace web. Dans le contexte actuel, où les médias
traditionnels se centralisent de plus en plus et où toute opinion n’est pas
toujours « politiquement correct » pour le grand public, la prise de position
présentée par le Daily Kos est généralement laissée sur les tablettes. Ainsi
est apparue une démocratisation des médias basée sur « des
vertus de collaboration et d’égalitarisme » et d’où découle d’ailleurs le
concept « d’information
participative ». Celui-ci est associé à la possibilité que chacun a de
contribuer à cette nouvelle forme de diffusion de l’information, via la
possibilité de laisser des commentaires aux articles, créant ainsi un processus
d’inter-influence entre les blogueurs et les lecteurs. Ainsi, hommes
politiques, étudiants, professeurs, chercheurs se retrouvent sur la toile à
écrire ou à commenter les chroniques, pour en assurer la justesse du contenue.
À l’avant-garde des autres plateformes médiatiques, le blogue permet donc une
réaction quasi-instantanée de son lectorat, permettant de voir se développer rapidement
un argumentaire autour des informations qui y sont promues.
Il est plus que clair maintenant qu’une quantité innombrable
de renseignements circulent sur Internet, émanant d’une quantité tout aussi
immense de sources. Certains croient alors que ce trop-plein d’informations nuit
à l’information elle-même et qu’on ne puisse donc pas accorder crédit à ce
journalisme participatif créé par les blogues. Les détracteurs de ce nouveau
mode de diffusion affirment que : « ce que le
journaliste [du web] gagne en termes de réactivité, il le perd en termes de
recul et d’esprit critique ». L’Internet tomberait donc dans son propre
piège, celui de « l’instantanéité et de
l’efficacité ». En ayant la possibilité de diffuser des informations aussi
rapidement, sans nécessairement avoir fait les recherches nécessaires qu’un
journaliste formé serait en devoir de faire, les lecteurs peuvent se retrouver
devant des renseignements non-fondés, erronés ou propagandistes. Il est vrai
qu’une abondance d’articles au contenu questionnable se retrouve sur plusieurs
blogues, cependant, est-ce une raison pour ne pas leur accorder une confiance
générale ? Il ne faut pas se laisser avoir, car il en revient forcément au
jugement et à l’esprit critique du lecteur lui-même de juger du contenu avec
lequel il entre en contact, en s’assurant de contre-vérifier les informations
par le biais d’autres blogues, sites web ou encore des médias traditionnels. De
plus, plusieurs solutions s’offrent aux lecteurs pour simplifier le casse-tête:
le classement des blogues par les internautes, les tags liés aux contenus, les
moteurs de recherche qui s’améliorent de plus en plus dans le tri des pages
web, etc. Alors même si on ne trouvait qu’un seul blogue sur 100 répondants aux
critères journalistiques, cet unique blogue serait une source d’informations
libres et socialement utiles qu’on se doit de conserver.
Le phénomène des blogues prend de l’ampleur, son public
s’agrandit sans cesse aux dépens des médias traditionnels, son contenu se
raffine et se spécialise. Les journalistes ont toujours vécu dans un milieu
hautement compétitif, où il faut être original en abordant des sujets qui se
démarquent des autres et où être constamment rapide est une obligation pour
livrer la nouvelle avant le compétiteur. La donne change cependant quand le
compétiteur en question s’étend désormais aux frontières du web, représentant
des milliers blogueurs, écrivant des milliers d’articles, à une vitesse incroyable,
et ce, 24 heures sur 24. Les journaux ne suivent évidemment pas le rythme et
s’essoufflent de plus en plus. Il ne faut pas cependant croire que les blogues
tuent le journalisme en tant que tel, ils tuent cependant un modèle plus ancien
qui ne correspond tout simplement plus aux attentes du public. Le journalisme «
se transforme donc en quelque chose de plus
interactif, où le consommateur est aussi le producteur »5, le domaine de la
communication est un domaine en constante mouvance où les changements sont
nécessaires, devant absolument s’adapter aux demandes de la société pour rester
populaires. D’ailleurs, c’est ce que plusieurs journaux ont fait en proposant
désormais leurs quotidiens enligne, voyant la folie du web s’emparer de ses
lecteurs. De plus, ce n’est pas la fin du métier, car les journalistes de
profession resteront certainement présents dans la société, pour la simple et
bonne raison que la société aura toujours besoin de personnes qualifiées. Le
support papier tire peut-être à sa fin en général, mais il sera toujours
nécessaire d’avoir l’avis d’un spécialiste dans certaines situations complexes
(journalistes politiques par exemple) ou encore pour desservir l’information
pour les régions dont on parle moins sur Internet et auxquelles les blogueurs
ne s’intéressent pas suffisamment pour combler la demande.
Le phénomène de la blogosphère nous permet donc d’entrer en
contact avec des opinions différentes et des idées nouvelles qui sont libres de
toute pression, les citoyens ont désormais la parole, et ce, presque sans
aucune contrainte. Plus d’informations égalent nécessairement plus de chance
d’avoir accès à la vérité. De plus, malgré l’abondance des écrits présents sur
le net, le journalisme participatif se doit d’être reconnu, demandant cependant
un effort d’analyse critique des internautes pour bien séparer le contenu utile
du « contenu poubelle ». Le journalisme doit donc absolument s’adapter à la
nouvelle technologie pour bien répondre aux critères du public qui désormais
utilise les blogues et Internet comme principales ressources intellectuelles.
Il s’agit d’une occasion incroyable de réinventer la diffusion de
l’information, cependant étant des médias relativement nouveaux, il faut leur
laisser la chance de se faire accepter, de s’ajuster et qui sait jusqu’au cela
pourrait nous mener.
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